THE DEVON ALLMAN PROJECT : BLUES SUMMIT (juillet 2025)

Musiciens :

Devon Allman : chant (pistes 01, 05 et 09), guitares rythmique et solo
Larry McCray : chant (piste 08), guitare solo
Jimmy Hall : chant (pistes 02, 03 et 07), (harmonica ?)
Sierra Green : chant (piste 04)
John Lum : batterie
Justin Corgan : basse
Jackson Stokes : guitares rythmique et solo, co-production
David Gomez : saxophone, percussions
Christone « Kingfish » Ingram : guitare solo

Robert Randolph : pedale steel guitare
John Ginty : claviers

The Memphis Horns : section de vents (pistes 01, 06, 08)
Funky Butt Brass Band : section de vents (piste 03)

Mark Hochberg : cordes

Titres :

01 - Runners In The Night (Feat. Christone "Kingfish" Ingram) (Devon Allman, Larry McCray)
02 - Blues Is A Feelin' (Devon Allman, Larry McCray)
03 - Peace To The World (Feat. Robert Randolph) (Trade Martin)
04 - Real Love (Devon Allman)
05 - After You (Devon Allman)
06 - Gettin’ Greasy (Larry McCray)
07 - Wang Dang Doodle (Willie Dixon)
08 - Hands And Knees (Larry McCray)
09 - Little Wing (Hendrix)
10 - Midnight Lake Erie (Devon Allman)

Quel bel album ! Pas très long (juste dix titres sans rallonge inutile), mais, entre compositions originales et reprises ciblées issues de parrains prestigieux, ça suffit à Devon Allman pour faire le tour de sa vison actuelle du blues. En fait on pourrait presque dire que cet album qui accueille avec bonheur des invités de marque pourrait relever du duo Devon Allman/Larry McCray tant le talentueux guitariste-chanteur de l’Arkansas imprime lui aussi sa marque sur cet opus. Une sorte de magnifique projet à deux, bien soutenu par tout une équipe, et dont l’écoute ne génère aucun ennui. Au contraire : certains morceaux promettent même de devenir, si on les laisse vivre, de fameux titres de scène, de ceux qui emmènent le public avec eux.

Bon pour ceux qui voudraient en savoir plus et disposer d’arguments pour se précipiter sur cette pépite, l’album débute par un blues cuivré chanté par Devon Allman, bien soutenu par les vents des Memphis Horns, sur un tempo assez modéré, mais qui « pousse », avec quand il faut quelques breaks bienvenus évitant la monotonie qui pourrait s’installer et permettant d’opportunes relances. Une voix féminine non-créditée (Sierra Green ?) vient ponctuer la coda. Lui succède un riff de guitare plus agressif et tranchant qui introduit le deuxième morceau où un harmonica, lui aussi non-crédité (Jimmy Hall qui chante le titre ?), mène une sarabande autour du chant, avant de s’envoler en solo question-réponse avec une guitare, avec toujours cette pulsation entraînante, qu’on retrouve en plus joyeux et plus enlevé encore sur le titre suivant, un blues-soul avec slide et vents, le Funky Butt Brass Band cette fois, toujours chanté par Jimmy Hall, qui offre à Robert Randolph l’occasion de se distinguer. Un bien beau titre pour la scène !

On pause un peu ensuite avec une ballade plus tranquille, plus sirupeuse, avec des cordes gérées par Max Hochberg et un orgue en nappes, chantée par la voix bien soul de Sierra Green. Des chœurs féminins et de discrètes percussions viennent soutenir un tempo paisible animé de quelques breaks, tandis qu’un solo de guitare tout aussi tranquille, presque éthéré, mais très agréable à l’oreille, vient l’orner. Parenthèse limpide avant un redémarrage plus énergique chanté par Devon, un original rock-soul doux-amer au charme insidieux qui pulse sur tempo modéré, avec un très simple solo de guitare qui se distingue par un changement multiple de tonalité sur une progression générant de la tension avant de revenir comme une fleur sur l’entêtant refrain tenu par les chœurs. J’ai beaucoup apprécié.
Ça enchaîne ensuite dans un tout autre style avec une composition funky-soul syncopée de Larry McCray, remplie de breaks et soutenue par les vents des Memphis Horns, avant une polissonne reprise de Willie Dixon, axée sur une fiesta sexuelle et traitée en blues classique bien rythmé, avec harmonica toujours non crédité en soutien. Puis on revient à un esprit plus soul grâce à une nouvelle composition de Larry McCray, qu’il chante lui-même, un soul-blues de facture classique mais très efficace, avec basse rebondissante, double solo de guitare chaque fois performant, et nouvelle intervention des vents des Memphis Horns : ça pulse, ça roule, ça avance... Encore un super-titre pour la scène !

Instant spécial avec le célèbre « Little Wing » de Hendrix, traité façon Derek & the Dominos (bonjour Tonton !), et là on a droit au grand frisson, avec cette composition toujours impactante sur laquelle les guitares s’en donnent à cœur joie, wah comprise. Mention spéciale au guitariste qui a eu la bonne idée de s’exprimer sur le micro grave, et au chant habité de Devon. Grand moment ! On termine cet album qui a tout d’un petit bijou par un titre de Devon Allman, un très intéressant instrumental sombre, tourmenté, lancinant, amorcé par le joli son flûté d’une guitare saturée sur micro grave, et qui fournit au passage l’occasion d’un solo de basse intéressant avant qu’un saxo ténor ne vienne relancer la machine un peu à la façon du Pink Floyd des années 70 et que le piano vienne conclure de façon nostalgique. Une autre forme de blues…

Avec cet album, Devon Allman marque les esprits en montrant une fois de plus la palette très étendue de son grand talent. On peut rétorquer que les chiens ne font pas des chats, mais il arrive que certaines aptitudes sautent une génération ou se perdent en route. Ce n’est pas le cas ici, même si depuis le début de sa carrière Devon montre qu’il a sa propre façon de les exprimer. En tous cas, Allman ou pas, il serait fort dommage de passer à côté d’un si bel album !

Y. Philippot-Degand